Faire un petit tour d’horizon des inégalités en cette période très délicate de crise économique ne paraît pas si inopportun. Le succès du livre de Thomas Piketty (2013) témoigne sans doute de l’importance que l’on attribue aux inégalités. Beaucoup ont des idées préconçus sur les revenus des uns et des autres, et ont souvent tendance à quelque peu mésestimer la réalité des inégalités. Ainsi, Il est proposé une série de trois articles traitant de écarts de revenus. Ce premier post établira une description rapide des inégalités en France, et sera suivi d’une comparaison internationale dans un deuxième article. On finira par un troisième texte, plus théorique, qui expliquera les origines des inégalités ainsi que les conséquences sur l’activité économique.

Quelques définitions nécessaires

Le niveau de vie

L’INSEE retient comme indicateur le niveau de vie pour mesurer les inégalités entre les citoyens. On confond souvent cet indicateur avec le revenu de ménage. Le niveau de vie est un meilleur indicateur car il prend en compte la taille d’un ménage. On peut aisément comprendre qu’une personne seule gagnant 2 000€ n’ait pas le meme niveau de vie d’un ménage composé de 5 personnes gagnant 4 600€. En effet, la composition du ménage, et donc les besoins de consommation affecteront le niveau de vie de chaque individu que l’on identifiera au terme d’unité de consommation (UC). En clair, il est plus pertinent pour un membre d’un ménage d’affirmer qu’il vit dans un ménage ayant tel niveau de vie, que de dire combien il gagne individuellement. Pour connaitre le nombre d’unités de consommation, le calcul est simple : total des unités de consommation = 1 unité pour le premier adulte + 0,5 unité par personne de plus de 14 ans + 0,3 unité par personne de moins de 14 ans. Ainsi, un ménage A, composé d’un adulte vivant seul (1 UC), ayant un revenu disponible (revenu + transferts sociaux – impôts) de 2 000€, aura un niveau de vie de 2000/1 = 2 000€. Un ménage B, composé de 2 adultes (1 UC + 0,5 UC), d’un enfant de 16 ans (0,5 UC) et d’un enfant de 12 ans (0,3 UC), ayant un revenu disponible de 4 600 €, aura un niveau de vie de 4600/(1+0,5+0,5+0,3) = 2 000€. Ainsi, bien que le ménage B gagne bien plus que le ménage A, ces deux derniers ont les mêmes niveaux de vie, du fait d’une taille plus grande de la famille B.

Les déciles

Afin de mesurer les inégalités de niveaux de vie, on peut effectuer une opération consistant à réaliser un classement de ces niveaux de vie en déciles. Plus précisément, on effectue un tri croissant des niveaux de vie de la population étudiée, et on divise ce classement en 10 parties égale D1, D2,…,D9. Ainsi, D1 correspond au niveau de vie au dessous duquel 10% de la population ont des niveaux de vie inférieurs. D9 correspond au niveau de vie au dessous duquel 90% de la population ont des des niveaux de vie inférieurs. Evidemment, le décile indique également la part de la population qui ont des niveaux de vie supérieurs au montant du décile. Ainsi, si D9 vaut 3 125€, cela signifie que 90% de la population a un niveau de vie inférieur à 3 125€ et 10% ont un niveau de vie supérieur à 3 125€. En général, on attache une attention particulière à 3 déciles :

  • D1 qui représente le niveau de vie des 10% les plus pauvres ;
  • D5 qui correspond à la médiane, c’est-à-dire le niveau de vie tel que la moitié de la population est en dessous, et l’autre moitié au dessus ;
  • D9 qui représente le niveau de vie des 10% les plus aisés.

En outre, on peut alors observer les rapports interdéciles qui permettent de fournir un indicateur des inégalités. En particulier, si l’on indiquait que D9/D1 = 3,5 par exemple, cela signifierait que les 10% les plus aisés ont un niveau de vie équivalent à 3,5 fois celui des 10% les moins aisés. Enfin, si vous souhaitez d’ailleurs connaitre votre niveau personnel par rapport au reste des salariés français, vous pouvez consulter le site suivant.

L’accroissement des inégalités

Si l’on observe l’évolution des niveaux de vie, fournie par l’INSEE, on peut faire plusieurs commentaires.

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875€/mois pour les pauvres, 3125€/mois pour les plus aisés

En 2011, les 10% des ménages les moins aisés avaient un niveau de vie inférieur à 10 500€ par an, soit 875€/mois. Les 10% les plus aisés avaient un revenu par unité de consommation supérieur à 37 500 par an, soit 3 125€/mois. Entre 1996 et 2011, le niveau de vie de D1 a augmenté de près de 18%, tandis que celui des 10% les plus aisés ont connu une croissance de leur revenu de 20%.

La moitié des travailleurs perçoivent un salaire inférieur à 19 600€ par an, soit 1 633/mois, en 2011. Ce revenu a médian à augmenté de 17% entre 1996 et 2011.

Des inégalités qui se creusent

Comme on vient de le voir, les salariés ayant les plus hauts revenus ont pu bénéficier par ailleurs d’une croissance plus forte de leur rémunération que celle des moins fortunés. On observe ainsi logiquement une croissance des inégalités, qui peut être appréhendée par le rapport interdécile D9/D1. En 2011, les 10% les plus aisés avaient un revenu 3,6 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres. On peut noter que la crise économique a contribué à accroître les écarts entre les plus aisés et moins riches. On peut faire un tel constat sur la base de l’évolution de deux chiffres entre 2008 et 2011:

  1. Le rapport interdécile D9/D1 : en 2008, les 10% les plus aisés disposaient d’un niveau de vie représentant 3,4 fois celui des moins aisés, ce rapport était de 3,5 fois en 2011
  2. La masse cumulée des niveaux de vie : les 20% des travailleurs les moins aisés détenaient 9% des revenus disponibles en 2008, et 8,6% en 2011. Leur part a donc baissé de 4,4%. Pour les 20% les plus aisés, leur part de revenus disponibles est passée de 38,4% à 39,5% entre 2008 et 2011, soit une hausse de 2,9%.

Il paraît clair que les inégalités françaises se sont accrues, et que la crise a joué un rôle important dans ce constat. Il peut néanmoins être intéressant d’observer les chiffres dans d’autres pays, afin d’effectuer des comparaisons internationales. Ce sera l’objet du prochain article.