Parmi de nombreux pays européens, on assiste à une fuite des cerveaux puisque les meilleurs chercheurs et innovateurs s’expatrient pour des conditions plus favorables, que ce soit pour des pays de l’Union Européenne (UE) offrant de meilleures conditions ou des pays extra-UE  ; citons le cas remarquable de l’Italie à qui cela coûte plus de 1% de son PIB[1] en 2017. En 2000, la Commission Européenne pointait déjà du doigt cette problématique croissante.[2]

L’innovation revêt une importance amplement reconnue depuis Schumpeter en passant par les théories de la croissance (Romer 1990, Aghion et Howitt 1992). La politique d’innovation est étroitement liée à d’autres politiques de l’UE, comme celles de l’emploi, de la compétitivité, de l’environnement, de l’industrie et de l’énergie. Grâce à l’innovation, les résultats de la recherche servent à la création de nouveaux services et produits de meilleure qualité qui garantiront la compétitivité sur le marché mondial et amélioreront la qualité de vie des citoyens européens.

Il convient donc de redynamiser l’espace européen pour stopper l’hémorragie de chercheurs et ingénieurs, notamment dans le domaine des NTIC

La politique européenne de la recherche et du développement technologique occupe, dès les premiers traités communautaires, une place prépondérante dans la législation européenne et a été étendue au début des années 1980 avec l’établissement d’un programme-cadre pour la recherche en Europe. Le premier programme-cadre (PC) est créé en 1983 pour une période de quatre ans. Jusqu’en 2013, des PC successifs ont soutenu financièrement la mise en œuvre des politiques européennes en faveur de la recherche et de l’innovation. L’ampleur et l’ambition des PC ont augmenté au fur et à mesure et constituent désormais une part importante de la coopération en matière de recherche. Ces programmes-cadres successifs ont également permis un meilleur soutien à la coopération transfrontalière dans le domaine de la recherche et de la technologie.

Le programme Horizon 2020 est une des initiatives de la stratégie Europe 2020 et constitue l’instrument financier de la politique d’innovation de l’UE. Horizon 2020 est le 8e programme-cadre pour la recherche et l’innovation en Europe pour la période 2014-2020. Ce programme a pour base juridique les Articles 179 à 190 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). L’article 179 du traité FUE stipule que « l’Union a pour objectif de renforcer ses bases scientifiques et technologiques, par la réalisation d’un espace européen de la recherche dans lequel les chercheurs, les connaissances scientifiques et les technologies circulent librement».

Horizon 2020 : construire le plus grand marché de la connaissance

Horizon 2020 est, avec un budget de près de 80 milliards d’euros, le programme-cadre le plus vaste et le plus ambitieux jamais conçu. Le but de ce programme d’innovation est de concurrencer les autres grandes économies de la connaissance. A titre comparatif, les Etats-Unis dépensent 2,79% du PIB en R&D et le Japon 3,28% du PIB, alors que l’UE ne dépense que 2,05% de son PIB (données Banque Mondiale pour 2016).

Comment la politique d’innovation, à travers le Programme Horizon 2020, peut-elle renverser la tendance et s’affirmer comme première économie de la connaissance mondiale ?

Afin de corriger ces tendances, l’Union de l’innovation est l’une des sept initiatives phares de la stratégie Europe 2020 pour une économie intelligente, durable et ouverte. Lancée par la Commission européenne en octobre 2010, elle doit permettre d’améliorer la situation de la recherche et de l’innovation en Europe et d’élargir l’accès au financement afin que les idées novatrices puissent se concrétiser dans des produits et services qui créeront de la croissance et de l’emploi.

L’Union de l’innovation a trois buts majeurs qui sont clairement énoncés par la Commission Européenne. Tout d’abord, faire de l’Europe un acteur de premier ordre dans le monde scientifique ; puis de supprimer les obstacles à l’innovation, tels que le coût élevé de la délivrance de brevets, la fragmentation du marché, et la pénurie de main-d’œuvre qualifiée; et enfin, d’améliorer la coopération entre les secteurs public et privé, notamment grâce à la mise en place de partenariats d’innovation entre les institutions européennes, les autorités nationales et régionales ainsi que les entreprises[4].

L’Union de l’innovation représente un investissement majeur pour la compétitivité à venir de l’Union Européenne. D’après la Commission Européenne, si 3 % du PIB de l’Union européenne sont investis dans la R&D d’ici à 2020, alors 3,7 millions d’emplois seront potentiellement créés et le PIB augmentera de 795 milliards d’euros d’ici à 2025.

Horizon 2020 est axé sur trois grands piliers:

  • l’excellence scientifique: un budget de 24,4 milliards d’euros aide l’UE à conserver sa position d’acteur mondial de premier plan dans le domaine des sciences;
  • la primauté industrielle: le programme doit entretenir l’effort en innovation industrielle, grâce à un budget de 17,01 milliards d’euros, dont 13,5 milliards d’investissements dans les technologies clés, ainsi qu’un accès élargi aux capitaux et un soutien aux PME;
  • les défis de société: 29,68 milliards d’euros sont alloués aux sept défis de société de l’UE: la santé, l’évolution démographique et bien-être; la sécurité alimentaire, l’agriculture durable, la recherche marine et maritime et la bioéconomie; les énergies sûres, propres et efficaces; les transports intelligents, verts et intégrés; la lutte contre le changement climatique, l’utilisation efficace des ressources et matières premières; l’Europe dans un monde en évolution en tenant compte des sociétés inclusives, innovantes et capables de réflexion; et des sociétés sûres afin de protéger la liberté et la sécurité de l’UE.

Le programme cadre Horizon 2020 possède deux dispositifs différents d’action directe ou indirecte. Cela peut se réaliser au moyen de programmes spécifiques. L’origine du financement différera en fonction de la modalité et du projet :

  • les actions directes menées par le Centre commun de recherche (CCR) et entièrement financées par l’Union;
  • les actions indirectes, qui peuvent prendre la forme: (i) de projets de recherche en coopération, menés par des groupements d’entités juridiques dans les États membres, les pays associés et les pays tiers; (ii) de réseaux d’excellence (programmes conjoints d’activités mis en œuvre par plusieurs organisations de recherche qui intègrent leurs activités dans un domaine donné); (iii) d’actions de coordination et de soutien; (iv) de projets individuels (soutien à la recherche «exploratoire»); ou (v) d’un soutien à la formation et au développement de la carrière des chercheurs, qui servira essentiellement à la mise en place des actions Marie Skłodowska-Curie.

Relancer l’innovation : des mesures budgétaires et réglementaires

Comment accompagner l’innovation? Tout d’abord les Etats membres ont des contraintes importantes en termes de finances publiques alors que l’épargne privée est abondante (16.000 milliards € dans l’Union européenne en 2014) et placée majoritairement (40%) sur le court terme et souvent hors de l’Union[5]. L’efficacité de toute mesure de relance de l’investissement doit donc être jugée via sa capacité à ramener l’investisseur privé sur le financement de l’économie à long terme.

Ainsi l’objectif affiché de l’Union de l’innovation est d’établir un véritable marché unique européen de l’innovation, qui attirera les sociétés et les entreprises innovantes. Pour ce faire, plusieurs mesures ont été avancées dans les domaines de la protection des brevets, de la normalisation, des marchés publics et de la réglementation intelligente. L’Union de l’innovation tend également à stimuler l’investissement du secteur privé et, notamment, à accroître le volume des investissements européens en capital-risque, qui est actuellement quatre fois moins élevé qu’aux États-Unis.

Le capital-risque fournit des fonds aux entreprises innovantes en phase de démarrage et constitue une source importante d’investissement à long terme pour les start-up. Les PME continuent donc à dépendre de prêts bancaires à court terme, ce qui n’assure pas la pérennité des projets et de leur développement. Pour favoriser l’attribution de prêts couvrant les projets de R&D et lancer des projets témoins, la Commission, en coopération avec le groupe de la Banque européenne d’investissement (BEI et FEI), a lancé une initiative commune au titre d’Horizon 2020.

Le dispositif InnovFin (Financement européen de l’innovation) consiste en une série d’instruments de financement et de services de conseil intégrés et complémentaires proposés par le groupe BEI (Banque Européenne d’Investissement). Ils couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur de la recherche et de l’innovation afin de soutenir l’investissement quelle que soit l’envergure du projet concerné.

De façon complémentaire au programme Horizon 2020, la Commission a alors proposé le plan d’investissement pour l’UE en novembre 2014, aussi appelé Plan Juncker, en vue de débloquer des investissements publics et privés dans l’économie réelle à hauteur d’au moins 315 milliards d’euros sur trois exercices. L’EFSI (European Fund for Strategic Investments) est l’un des trois volets de ce plan d’investissement et vise à combler les dysfonctionnements actuels du marché en comblant les lacunes et en mobilisant l’investissement privé. Les deux autres volets consistent à soutenir les investissements dans l’économie réelle; et à créer un environnement propice aux investissements. L’EFSI contribue au financement d’investissements stratégiques dans des domaines clés tels que l’infrastructure, la recherche et l’innovation, l’éducation, l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique, ainsi que le financement du risque pour les PME. A ce jour, près de 550 000 PME ont perçu des financements de l’EFSI. (FEIS en français)

Tableau

Par ailleurs, le recours à la subvention est un outil qui est exclu par la Commission pour aider les entreprises et stimuler l’investissement.

En juin 2015, Carlos Moedas, membre de la Commission chargé de la recherche, de la science et de l’innovation, a proposé de créer un Conseil européen de l’innovation. En janvier 2017, la Commission a institué un groupe de haut niveau réunissant quinze innovateurs, chargé de déterminer la forme que pourrait prendre un tel Conseil européen de l’innovation, qui s’inscrirait dans le cadre des propositions de la Commission relatives au programme qui succédera à Horizon 2020. Une des problématiques du Programme Cadre Horizon 2020 est qu’il est relativement de mesurer l’efficacité de l’investissement réalisé tant l’innovation est une notion difficile à estimer par un seul indicateur.

Sources :

La politique de l’innovation dans l’UE, septembre 2017,

La politique de la recherche et du développement technologique, septembre 2017, 

Horizon 2020 indicators. Assessing the results and impact of Horizon, 24/09/2015, 

Décision n°138/2013, Journal officiel de l’Union Européenne,

Organigramme du FEIS, consulté le 20/02/2018.

Pour une relance de l’investissement en Europe, Fondation Robert Schuman, 22/09/2014,

« Ca se passe en Europe : la fuite des cerveaux coûte 1% de son PIB à l’Italie », 18/09/17, Les Echos, 

La fuite des cerveaux : mythe ou réalité ?, RAPPORT D’INFORMATION 388 (1999-2000), Commission des Affaires Economiques, François-Poncet

 » Stratégies pour l’emploi dans la société de l’information « , Commission des Communautés européennes, Com(2000) 48, (février 2000)  

 

[1]La fuite des cerveaux coute 1% de son PIB à l’Italie, Les Echos, 18/09/2017

[2] La fuite des cerveaux : mythe ou réalité ?, Rapport du Sénat et  » Stratégies pour l’emploi dans la société de l’information « , Commission des Communautés européennes, Com 2000/48, (février 2000)

[3] Brain drain- brain gain, Evidence from the European Union, M. Grecu and E. Titan, Journal of Applied Econometric Methods, 2016, Vol. 11, No. 13.

[4] http://www.europarl.europa.eu/atyourservice/fr/displayFtu.html?ftuId=FTU_2.4.6.html

[5] « Pour une relance de l’investissement en Europe », Fondation Robert Schuman, 22/09/2014